SÉJOUR EN BIRMANIE DU 12 DÉCEMBRE 2018 AU 8 JANVIER 2019

 

        En raison d’ennuis de santé, Michel s’est trouvé dans l’impossibilité de se rendre en Birmanie à l’occasion de notre séjour annuel de fin d’année. Pour des raisons pratiques, j’ai suivi sensiblement le même itinéraire que les années précédentes : région du Delta de l’Irrawaddy, district de Mandalay et Pays Shan. 

        La Birmanie avait bénéficié, il y a quelques années, d’un engouement touristique, reflet d’un espoir de démocratisation incarné en la personne d’Aung San Suu Kyi, fille du fondateur de la Birmanie moderne, assassiné peu de temps avant l’accession à l’indépendance du pays. Cette année, les touristes se sont raréfiés, surtout parmi les Occidentaux, en raison du sort tragique réservé aux Rohingya dans la province d’Arakan, à l’ouest du pays. Un million d’entre eux a été été sauvagement chassé ou s’est réfugié dans des camps provisoires au Bangladesh. Il semblerait cependant que la position gouvernementale se soit légèrement adoucie ces derniers temps : à condition que les Rohingya soient en mesure de prouver un titre de propriété ou de location, ils auraient la permission de retourner en Arakan. Il n’en reste pas moins que des journalistes birmans purgent une peine de prison pour avoir osé dénoncer la persécution des Rohingya.

        Aung San Suu Kyi, surnommée affectueusement « la Dame de Rangoun », jouissait naguère encore d’une immense aura, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Dernièrement, en raison des maigres progrès effectués dans le domaine social et surtout du sort inique réservé aux Rohingya, la personne qui incarnait l’espoir de tout un peuple a été la cible de critiques les plus radicales, et même d’un total rejet de l’opinion internationale.

        À sa décharge, reconnaissons qu’un certain nombre de progrès ont été accomplis depuis qu’à la tête de son parti (The New League for Democracy), elle siège au gouvernement en tant que Ministre des Affaires étrangères et, plus récemment, « Conseillère spéciale de l’État ». La constitution n’ayant pas été modifiée — les autorités militaires possèdent toujours 25 pour cent des sièges au Parlement — aucune véritable avancée n’est possible vers l’instauration d’un système démocratique moderne.

 

               CENTRES DE SOLIDARITÉ AU NOM DE L’ASSOCIATION « MÉDECINE, AIDE ET PRÉSENCE »

 

1.                 RÉGION DU DELTA DE L’IRRAWADDY

 

            La communauté karène du Père Benjamin connaît ces dernières années des jours tranquilles. 

            Le foyer de Myaungmya, est désormais financièrement auto-suffisant grâce à la culture du riz, accessoirement de  l’élevage des oies, source de protéines pour l’alimentation du foyer, et des porcs pour la vente. Le nombre de pensionnaires a diminué car les enfants orphelins rescapés du cyclone Nargis de 2008 volent désormais de leurs propres ailes.

            La vingtaine d’étudiant(e)s logé(e)s à proximité de l’Université de Pathein, la capitale régionale, est toujours subventionnée par MAP. Leurs résultats universitaires sont plutôt satisfaisants. Le 31 janvier dernier les six étudiant(e)s de fin d’études ont reçu leur diplômes.

            D’autre part, l’école de brousse, création ex nihilo de Benjamin, connaît un regain d’activité en cette période de fin d’année. Ce centre d’éducation qui existait depuis plusieurs années dans le plus grand secret, peut dorénavant  fonctionner au grand jour. Les jeunes enseignant(e)s sont rompu(e)s aux méthodes pédagogiques modernes, ce qui se traduit par une grande curiosité de la part des élèves, ainsi qu’une maîtrise de la langue anglaise bien supérieure à celle des étudiant(e)s, pourtant plus âgé(e)s, de Pathein. La présence de neuf membres de la communauté catholique de Singapour, venus à l’occasion des fêtes de fin d’année, avivait encore la bonne humeur générale qui régnait et le désir d’apprendre dans la joie.

            Matériellement, la petite communauté nichée au creux de cette forêt broussailleuse, jouit désormais de progrès rendant la vie plus aisée, notamment par l’installation d’un système de canalisation d’eau de pluie alimentant un ample réservoir d’eau potable.

 

       2.  LE CENTRE MÉDICAL DE SI KAR (DISTRICT DE MANDALAY, EN RELATION ÉTROITE AVEC LE MONASTÈRE BOUDDHISTE DANS LES PARAGES).

                                                                                                                                                           

          Peu de temps après la fondation de l’association locale « The Light of Asia », en 2007, MAP a soutenu la construction d’un édifice spacieux susceptible de contenir le matériel essentiel au bon fonctionnement du tout nouveau Centre médical de Si Kar, de même que l’acquisition d’une ambulance (dont l’hôpital de la ville voisine était alors dépourvu). Cette fois-ci, la contribution de MAP a permis l’achat d’un échographe, dont le Centre avait grandement besoin, notamment pour les femmes enceintes. Deux jeunes médecins généralistes se relaient journellement, de même qu’un spécialiste chargé des échographies officie sur rendez-vous, selon les besoins ; un autre spécialiste est chargé du bon fonctionnement des radiographies.

          Le rôle positif du lien entre le monastère à proximité a déjà été signalé dans nos comptes rendus précédents, mais il n’est pas superflu de souligner à nouveau la détermination du Sayadaw (le moine en chef) dans ses efforts sans cesse renouvelés de promouvoir non seulement la paix inter-religieuse, mais aussi l’harmonie entre les fidèles des religions représentées dans toute la région : bouddhistes, musulmans, hindous, bahaïs, chrétiens de différentes dénominations, ce qui se traduit la veille au soir de la Saint-Sylvestre par des réjouissances bon enfant dans la cour du monastère.

Il n’est évidemment pas question de passer sous silence les tensions inter-religieuses qui minent la Birmanie d’aujourd’hui, plus précisément l’islamophobie, phénomène relativement récent, conséquence notamment des échos négatifs dus aux extrémistes, qui parviennent de la scène internationale.

          Gardons-nous toutefois de soupçonner que se cache systématiquement un terroriste islamique derrière chaque barbe, de même que la vue du crâne dénudé d’un moine bouddhiste est loin de fomenter nécessairement la haine des musulmans. Depuis l’année dernière, une nouvelle association en faveur de l’harmonie religieuse et sociale a été créée sous l’appellation de « Peaceful Myanmar Initiatives ». Parmi ses premières publications, le recueil « Of Peaceful Days » contient entre autres un poème au titre révélateur : « Diversity is Beauty ». En voici une strophe qui rappelle le bon temps où les festivités religieuses d’une religion particulière étaient partagées avec une ferveur joyeuse par l’ensemble des citoyens du pays, selon la coutume ancestrale :

                              À la cérémonie de l’Eid [fin du Ramadan], nous partagions « samai » [friandises sucrées traditionnelles],

                              Au festival bouddhiste nous jouions à nous arroser les uns les autres,

                              Au festival hindou nous célébrions Shiva en marchant sur des braises,

                              À Noël nous entonnions tous ensemble des chants chrétiens...

 

3. AU COUVENT SAINT-JOSEPH (PYIN OO LWIN), à 15 KM À L’EST DE SIKAR.

 

           C’est dans cette institution que nous rencontrons chaque année sœur Marie-Thérèse, toujours accompagnée de Florence, neuf ans, parrainée depuis quatre ans par une famille. Orpheline de père, de mère diabétique et sans véritable revenu, cette fillette a pris conscience, grâce à son parrainage, de la chance de pouvoir aller à l’école normalement, tous frais payés, y compris l’alimentation. En outre, Florence bénéficie de cours d’anglais oral de façon, notamment, à être en mesure de converser le cas échéant avec les membres de la famille qui la parraine. Chaque année on peut noter combien Florence prend un peu plus confiance en elle, au point où elle m’a déclaré cette fois-ci, vouloir devenir professeur quand elle sera grande.

 

4. LE DISPENSAIRE DE MAN PAN  (EN PAYS SHAN, DANS L’ARRIÈRE PAYS DE HSIPAW).

 

            À cause du danger que représentaient pendant mon séjour les luttes armées entre différentes factions en Pays Shan, je n’ai pu me rendre au village de Man Pan ; à l’inverse des deux années précédentes, j’ai dû me cantonner à la ville de Hsipaw, tout comme la plus grande partie des villageois, seules quelques personnes âgées ayant refusé de quitter leur demeure et sont donc restés au village, à leur risque et péril. La plupart des réfugiés étaient accueillis dans les locaux du séminaire Don Bosco, ainsi qu’Esther, la jeune femme en charge du tout nouveau dispensaire fondé l’an dernier grâce avec la contribution de MAP. La raison de cet état de guerre est particulièrement désolante : Aung San Suu Kyi avait convié les représentants des rebelles shan à se présenter à Naypyidaw, la nouvelle capitale, afin d’amorcer des pourparlers de cessez-le-feu avec le gouvernement central. Malheureusement, deux groupes rebelles shan n’ayant pu s’entendre, se battaient tout en rançonnant les villageois lissou. À partir de l’âge de neuf ans, les gamins, courant le risque d’être enlevés afin de grossir les effectifs des différents groupes armés, ont eu la chance de pouvoir poursuivre leur scolarité, au séminaire Don Bosco pour les catholiques, au monastère de Si Kar pour les bouddhistes.

              J’ai eu l’occasion d’accompagner Esther à une pharmacie de Hsipaw pour acheter les médicaments de base qui couvriront les besoins des villageois de Man Pan pendant une bonne partie de l’année. Esther se tient prête à rejoindre son dispensaire dès que le village sera à nouveau hors danger des guérilléros. J’ai fait bien sûr connaissance du Père Lucas, le nouveau responsable du séminaire Don Bosco, qui se porte garant du bon fonctionnement administratif du dispensaire, de la rétribution mensuelle d’Esther, et de régler ses frais d’études à chaque période estivale, jusqu’à ce qu’elle obtienne le diplôme d’infirmière.

               Par bonheur, grâce à la présence du dispensaire, et c’est là le grand point positif, l’année 2018 a été marquée par une nette diminution de la mortalité infantile dans le village de Man Pan. Malgré leur « exil » temporaire, les villageois ont plus facilement le sourire aux lèvres. Pourrions-nous connaître un plus grand encouragement ?

               Nous aimerions terminer notre compte rendu sur cette note positive, mais par souci de vérité, nous ne pouvons pas cacher que les habitants de Birmanie sont plus inquiets encore que les années précédentes. Ils sont dans leur immense majorité tout à fait conscients que la modernisation de leur société ne pourra véritablement s’accomplir que lorsque la « vieille garde » politique aura complètement cédé le pas devant des politiques déterminés à faire accéder leur pays au concert des nations démocratiques. Nul ne sait quand se produira ce grand pas, mais il faudra certainement attendre la disparition physique du général en chef des armées, Than Schwe, qui a dirigé le pays d’une main de fer pendant des décennies, et qui continue toujours à « veiller au grain ».

 

          COMPTE RENDU FINANCIER

 

Frais d’études des étudiants karènes à l’Université de Pathein.                  4 000€

Centre médical de Si Kar (contribution à l’achat d’un échographe).           1 500€

Man Pan :

Achat de médicaments, et salaire d’Esther (en charge du dispensaire).       2 600€

Parrainage d’études de Florence.                                                               300€

Solde des frais d’études de Lucy.                                                              100€

 

Total                                                                                                   8 500€